Sobriété énergétique ne veut pas dire black-out, elle récompense les audacieux
La Ville de Limoges a engagé depuis plusieurs années un plan systémique d’amélioration des consommations énergétiques car, comme beaucoup d’autres, elle doit gérer beaucoup de bâtiments, près de 1000 dans les faits. Sobriété et autonomie énergétique sont les combats d’aujourd’hui et demain des collectivités publiques mais aussi des particuliers. Notre objectif est que la facture de chaque limougeaud soit réduite de 50% dans les 10 ans. Mais tout cela ne se décrète pas ou n’arrive pas par magie.
Nous menons de front depuis 2014 l’entretien du patrimoine et les constructions indispensables à la ville de demain avec pour leitmotiv, qu’en matière de transition énergétique, nos économies de bonne gestion des dernières années nous permettent ces investissements qui seront nos économies de demain. Il est clair que la perspective de voir presque doubler la facture énergétique de notre collectivité en 2023 jusqu’à atteindre plus de 14 millions par an (au lieu de 7 millions en 2021) nous impose de nous interroger sur ce qu’il convient de faire pour anticiper des lendemains qui s’annoncent compliqués. Quand on se dote d’une ambition forte comme le pack climat que nous avons adopté en juin dernier, il faut des principes clairs pour être partagés par les équipes et les concitoyens, et surtout réalistes et réalisables. Ensuite, il faut s’y tenir et ne pas varier au gré de l’air du temps ! Pour en arriver, il faut certes une réflexion solide mais aussi s’être frottés au concret.
Nous avons hérité, en tant que nouvelle équipe municipale en 2014, d’un patrimoine immobilier parfois dans un état vétuste voir insalubre. Aucuns travaux structurels n’avaient été conduits en 35 ans dans les écoles, véritables passoires énergétiques, de sorte que si nous devions mettre aux normes actuelles les 2 500 classes réparties dans 62 écoles, nous devrions engager plus d’1 milliard d’euros soit 30 ans de l’intégralité du budget investissement de la Ville. Les travaux d’isolation et changement des huisseries sont donc échelonnés et nous avons par exemple réalisé pour 2,7 M€ de travaux l’été dernier. Nous avons expérimenté en parallèle depuis 2018 une solution de pilotage énergétique innovante avec Engie dans le cadre de Vertuoz pour optimiser les consommations énergétiques dans un groupe scolaire. Une centaine d’objets connectés (capteurs de présence, sondes de température et actionneurs connectés) ont été installés dans toutes les pièces de l’établissement et dans la chaufferie. En fonction de tous les paramètres influant du bâtiment tels que l’occupation, la température intérieure, l’inertie ou encore la météo, des algorithmes ont permis de déterminer la chaleur à diffuser au plus près des besoins réels et ceci pièce par pièce. Les résultats obtenus sont encourageants tant du point de vue du confort et des économies d’énergie pouvant atteindre plus de 25%. L’important dans ce domaine comme dans d’autres, c’est de ne se fermer aucune hypothèse et de rester audacieux.
Depuis plusieurs années, j’ai demandé que tous les bâtiments municipaux soient équipés de récupérateurs d’eau et de panneaux photovoltaïques, ce n’est pas un vœu pieux, justifié par la pression médiatique actuelle sur le sujet climat. Nous l’avons fait, le faisons actuellement et nous le poursuivrons. A titre d’exemple, nous avons construit un EHPAD Marcel Faure nouvelle génération, sur le toit duquel 300 panneaux photovoltaïques ont été installés afin de produire de l’électricité en autoconsommation (le surplus sera mis à disposition des bâtiments municipaux du quartier). Pour le chauffage, l’établissement est raccordé au réseau de chaleur biomasse que nous étendons progressivement dans la ville, et la récupération des calories des chambres froides de la cuisine complètent la production d’eau chaude de la lingerie et des cuisines. Enfin, l’eau de pluie est aussi récupérée dans une cuve de 15 000 litres pour arroser et entretenir le jardin.
Bien sûr, comme beaucoup de communes aujourd’hui dès 2021, j’avais initié une expérimentation sur la démarche d’extinction de l’éclairage public qui visait avant tout à limiter la pollution lumineuse et ses conséquences en matière de préservation de la santé et du sommeil des habitants mais aussi la biodiversité. Après un premier bilan et l’analyse des retours des usagers, j’ai demandé que des adaptations puissent être effectuées, notamment en termes d’horaires, pour tenir compte de la saisonnalité et de certains besoins particuliers. En parallèle et dès 2021, nous avons lancé le remplacement, par des LEDs, d’environ 5 000 points lumineux s’ajoutant aux 3000 déjà posées. Ce projet ambitieux, dont le montant global est estimé à environ 4,2 M€ HT, devrait permettre de réaliser des économies à hauteur de 250 000 € HT / an sur la facture d’énergie de la collectivité. Nous réduirons nous aussi le nombre de guirlandes lumineuses à Noël et nous diminuerons les températures dans les bâtiments municipaux et les piscines. Mais là n’est pas l’essentiel.
Pour que la dynamique citoyenne s’engage durablement dans le sens d’une attention plus forte de tous à la fragilité que génère notre dépendance collective aux ressources énergétiques, il faut convaincre plus par les actes que par les effets de manches. Ce n’est pas en organisant la pénurie pour faire baisser le besoin que nous ferons évoluer culturellement les pratiques. Nous avons fait preuve, nous français, d’une inestimable résilience lors de la pandémie du COVID. Nous savons que l’échelon communal est celui de la proximité, de l’adaptation et de l’anticipation. Que l’Etat accompagne et facilite l’action des communes pour passer ce cap que nous espérons le plus court possible. Plus vite nous serons en mesure de déployer nos solutions et nos équipements d’autoproduction, plus vite la soumission énergétique aux pays tiers diminuera. Pour cela, la confiance et la protection de notre capacité à investir et à auto-financer nos investissements vaudront largement tous les décrets d’interdiction ponctuelle et produiront des résultats plus solides pour l’avenir.
Émile Roger LOMBERTIE
Maire de Limoges
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